Installé à Auzon, à proximité de Brioude en Haute-Loire, Claude Font élève 450 brebis et des vaches laitières, en Gaec avec sa femme et un salarié. Depuis 2014 Claude Font est responsable du dossier « Loup » pour la Fédération Nationale Ovine. Il participe aux différentes concertations organisées par l’État et notamment au Groupe National Loup.

« Nous sommes témoins du dépassement de l’Etat et de sa complète incapacité à protéger les élevages et le pastoralisme. »

 

Quelles conséquences le retour du loup a-t-il eu sur la filière ovine ?

CF / Lorsque l’on me pose cette question, je repense toujours au déroulement de l’assemblée régionale de la FNO en PACA, cet hiver. Pour la première fois, lors d’une réunion d’éleveurs, nous n’avons pas parlé de l’avenir de la filière. Le sujet de la prédation a occulté tous les autres sujets qui animent habituellement nos échanges. Nous n’avons pas discuté de l’amélioration de nos pratiques, ni de la technicité de nos élevages, ni même de leur compétitivité ou encore de la rémunération des éleveurs. Plus la prédation gagnera du terrain, plus ce sera une tendance nationale. Les attaques des loups sur notre activité d’élevage ont des conséquences négatives et menacent l’adaptabilité de nos élevages aux défis de demain. Se défendre contre la prédation occupe tellement l’esprit et le temps des éleveurs que tous les autres sujets, qui sont le cœur de notre métier, passent au second plan. Tant que la pression de la prédation sur les élevages ovins sera aussi importante, nous ne pourrons pas conduire les grandes réflexions en terme de prospectives et de dynamique de filière.

Quelles appréciations avez-vous du Plan Loup actuel ?

CF / Le plan loup a été conçu pour répondre à deux objectifs : celui de la conservation du loup et celui de la sauvegarde de l’élevage et des activités pastorales. Force est de constater que le deuxième objectif n’est pas rempli. Le nombre d’attaques et de victimes ne cesse de croître, tandis que le nombre de loups est nettement supérieur à celui escompté.

Le dernier recensement nous indique 530 loups en France à la sortie de l’hiver 2018, alors que l’objectif du gouvernement était 500 loups à l’échéance du présent plan loup, soit en 2023. Ce chiffre de 500 loups a toute son importance, puisque c’est le seuil de viabilité démographique de l’espèce, déterminé par l’État après consultation de l’ONCFS et du Muséum national d’histoire naturelle.

Nous sommes témoins du dépassement de l’État et de sa complète incapacité à protéger les élevages et le pastoralisme.

Quels moyens permettraient de donner de la sérénité aux éleveurs ?

Pour que les éleveurs puissent retrouver de la sérénité, il faut leur donner les moyens de protéger efficacement les troupeaux. Pour cela, il faut accorder des tirs de défense, sans condition, à tous les éleveurs qui vivent en zone de prédation. Il est impératif que dès qu’un loup s’approche, l’éleveur puisse défendre son troupeau à l’instant T. Nous demandons une défense active de nos élevages, pas une défense passive comme actuellement avec les chiens de protection, les filets, l’enfermement des troupeaux dans des parcs… Cette défense active passe obligatoirement par des tirs, non pas pour éradiquer le loup mais pour défendre les troupeaux.

Le déclassement du loup d’un statut d’espèce strictement protégée à espèce protégée dans la Convention de Berne et la Directive Habitat permettrait peut-être d’améliorer l’efficacité de la protection des élevages et d’obtenir cette défense active que nous sollicitons.

Que vous évoque la pétition pour sauver le loup de Meurthe et Moselle ?

Je trouve cette pétition incroyablement égoïste avec une vue très réduite de la notion de biodiversité. Les signataires ferment les yeux sur toutes les conséquences de la prédation sur ce territoire, des conséquences psychologiques pour les éleveurs, mais aussi économiques pour l’éleveur, l’État et de ce fait les contribuables. Il faut rappeler que ce loup est plus meurtrier que tous les loups d’Occitanie réunis et que c’est aussi le loup, le plus cher de France (200 000€ par an).

De plus, le prélèvement de cet unique loup ne mettra pas en danger la viabilité de l’espèce. Comme le souligne le préfet de Meurthe et Moselle, la conservation du loup est une réflexion nationale et européenne mais absolument pas à l’échelle d’un département ou d’une partie d’un territoire.