La prédation modifie les pratiques d’élevage et diminue la rentabilité des fermes ovines

Pour l’Institut de l’Elevage de Manosque dans les Alpes de Haute-Provence, Maxime Marois, chef de projet, est en charge de l’animation du réseau Inosys. Ce réseau étudie des fermes de référence en élevage ovin viande du Sud-Est (PACA, Drôme et Isère) représentatives de la diversité des systèmes. En les auditant tous les ans, le réseau acquiert des données techniques et économiques qui permettent aux conseillers de terrain d’élaborer des modèles de fermes, appelés cas-types.

Quelles conséquences économiques, le retour du loup a-t’il eu dans votre région ?

Il a modifié la vie des territoires. Confronté au loup, l’éleveur va mettre en place des mesures dites de protection : parcs, gardiennage renforcé, chiens de protection,… Ces mesures vont vite se montrer insuffisantes voire inefficaces, car le loup s’adapte, contourne les obstacles.

De même, les éleveurs sont aussi contraints de changer leurs pratiques. Certaines surfaces agricoles, principalement pastorales se désertifient. Les éleveurs ne les utilisent plus car elles sont devenues dangereuses pour les troupeaux et impossibles à protéger. En 10 ans, le nord du département du Var a connu l’implantation de 5 à 6 meutes de loups. Ces meutes territorialisées génèrent de la prédation qui entraîne, à ce jour, un abandon de 50% des surfaces pastorales de ce département. Ces changements de pratiques ont aussi des répercussions sur l’occupation du territoire et le rôle bénéfique du pastoralisme sur l’entretien des paysages.

Pour les fermes prédatées, depuis plus de 20 ans ?

Il y a un avant et un après loup. La prédation induit une somme de conséquences sur le fonctionnement des fermes : avortement, diminution de la fertilité, manque de brebis de renouvellement… Malgré les mesures compensatoires mises en place par l’état, la prédation a un coût important pour les éleveurs, puisqu’elle entraîne des pertes à différents niveaux et exige des changements de pratiques des éleveurs.

Ces contraintes lourdes, souvent génératrices de stress permanant pèsent sur les éleveurs et génèrent une avalanche de conséquences, allant jusqu’à la remise en question du métier d’éleveur. Est-il acceptable de devoir supporter quotidiennement cette pression ? Le moral des éleveurs se dégrade. Les éleveurs en vont même à s’interroger sur le sens de leur métier. Ils ne s’investissent plus dans des projets à long terme : matériel, génétique, produits sous signe de qualité… Ce qui freine la dynamique de filière et remet en cause la diversité des systèmes d’élevages. La prédation modifie les pratiques d’élevage et dégrade la productivité des fermes.

Et en terme de temps de travail pour les éleveurs ?

Pour pouvoir faire face à cette charge de travail supplémentaire, l’éleveur doit embaucher plusieurs mois de l’année, voire dans certaines zones toute l’année pour pourvoir continuer à utiliser des surfaces exposées où les brebis ne peuvent plus rester sans surveillance humaine. La conséquence directe est une augmentation considérable du temps de travail.